Anne Chapell

Entretien avec Sr Anne Chapell, Supérieure générale des Sœurs du Sacré-Cœur de Jésus

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Entretien avec Sr Anne Chapell, Supérieure générale des Sœurs du Sacré-Cœur de Jésus

Une série d’entretiens en vidéo vous est proposée par la CORREF pour faire un point d’étape depuis la remise du Rapport de la CIASE, le 5 octobre 2021

Sr Anne Chapell est supérieure d’un institut religieux apostolique. Au regard du Rapport de la CIASE et de ses 45 recommandations, elle ose une parole forte : la vie religieuse peut donner le meilleur comme le pire. Le rapport a obligé à reconsidérer la vie religieuse, notamment à travers ses 3 vœux de chasteté, d’obéissance et de pauvreté. Des espaces de paroles et des protocoles de bonne pratique sont aussi envisagés.

Le monde d’après ?

Le rapport de la CIASE, il y a un an, a été un choc, encore plus par la réalité effroyable qu’il a révélée que par le nombre des victimes, parce qu’au fond, une victime c’est toujours une victime de trop. On ne peut pas relativiser les chiffres : une victime, c’est une valeur absolue !

Oui, ce rapport a provoqué comme une effraction de nos consciences : des verrous ont sauté, des verrous inconscients souvent qui nous empêchaient de voir une réalité plus ou moins cachée ou tue. Nous avons découvert brutalement un monde immergé qui a fait surface, y compris dans nos Instituts. Des tranches d’histoire sont apparues sous un autre angle. Nous avons réalisé, nous avons appris que certaines de nos sœurs ont souffert d’abus, et que d’autres ont été auteures d’abus. Et que parfois, la victime et l’auteure se côtoient, ou vivent ensemble… Il nous a fallu écouter et agir, prendre des mesures. C’est un domaine dans lequel nous n’étions absolument pas préparées.

Cela vient, bien sûr, percuter la perception que nous avons de la finalité de notre Institut et de notre charisme qui est de promouvoir la dignité humaine, de révéler l’Amour de Dieu à travers des relations bienveillantes. Il faut le reconnaître, parfois nos charismes ont été dévoyés. C’est une prise de conscience extrêmement douloureuse et qui vient ébranler le sens de nos existences consacrées.

Tout cela provoque une très forte remise en question communautaire et institutionnelle.

– Nous avons suscité, en Congrégation, des espaces de parole , surtout avec nos plus jeunes sœurs qui sont majoritairement dans l’hémisphère Sud. Et nous avons constaté que cette réalité résonne avec leur expérience actuelle. Et j’ai parfois senti mes sœurs en danger, mais sans savoir ce que l’on pouvait faire dans une culture du silence. Ce sentiment d’impuissance est très éprouvant et ne nous laisse pas tranquilles.

– A l’échelle de la Congrégation, nous sommes en train de réfléchir et de rédiger des protocoles de bonnes pratiques pour éviter les abus. Nous réfléchissons plus spécialement à une charte de bonne conduite à laquelle s’engagerait personnellement chaque sœur. Cette charte l’aiderait à prendre conscience de ses obligations et devoirs dans ses relations au cœur de sa vie apostolique, en particulier avec des personnes vulnérables, mais aussi en communauté dans les relations du quotidien avec ses compagnes.

Le rapport de la CIASE, un an après, nous rend aujourd’hui très sensibles aux dérives du quotidien où les abus peuvent prendre l’allure de brimades, humiliations et exclusions, y compris en communauté. C’est un nouveau champ de conscience et de réalité qui s’ouvre à nous.

Sr Anne Chapell, 5 octobre 2022

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